cybernétique-éthique (et thérapie familiale)
Article de Jérémie Gaillard-agolini, proposé à l’université Lille III, le 3 janvier 2012.
LES B.A. BA DE LA SYSTÉMIQUE :.
Alice Dazord
Educateur en AEMO.
DESU « Thérapie familiale et pratiques systémiques » de L’université Paris 8 en 2003.
B.A. BA : PREMIÈRE ET SECONDE CYBERNÉTIQUE.
Dans le cadre du DESU de Pratique Systémique et Thérapies Familiales, j’ai établit une thèse, avec pour commentaires : le commentaire de fin de séance. J’ai situé la réflexion dans une prospective historique des thérapies familiales systémiques, reliée aux cybernétiques de premier et second ordre. Le savoir admis en évidence, pour chacune d’elles, les trois éléments constitutifs d'une pratique et d'une conception :
1. Quelles vues le thérapeute a-t-il de la famille ? Quelles sont les fonctions et positions du thérapeute ? Quels sont les fondements de la relation thérapeutique
qui sont les questions auxquelles ont été apportés des réponses.
la cybernétique de premier ordre : cadre conceptuel
Les travaux de Ludwig von Bertalanffy à propos de la description des systèmes ouverts ont constitué l’une des ressources des thérapeutes. Il entreprirent d’en examiner les lois, tirées de la biologie, et les portèrent vers le domaine thérapeutique de la famille. Les écrits de l'anthropologue Bateson permirent d’établir des liens aux travaux de Don Jackson. Quels sont les apports thérapeutiques de Palo-alto, du point de vue d’une vision:
- de la famille ;
- des fonctions de thérapeutes ;
- de la relation thérapeutique.
Quelle vue des familles ?
Le patient, à partir du modèle thermodynamique, est un système ouvert à l’état d’équilibre et complexe, à savoir organisé par les principes, régi par des lois modélisant son fonctionnement interne, selon lequel pouvaient parfois se présenter des symptômes mis en évidence par ses membres. Ces crises sont relevées sur les modes de la redondance et analysées comme fonction de maintien d’une solution n’aboutissant à aucun changement : celui-ci est en effet conçu par ses composantes comme dangereux pour son équilibre.
Quelles fonctions au thérapeute ?
C’est un expert qui posait les questions recueillies de l’information, ce qui lui a permis de cerner sa demande. Ces fonctions ont nécessité du thérapeute qu’il se fasse observateur de la famille ; sa mise à distance agit sur les problèmes.
« Le thérapeute .. cherche ce qui ne va pas dans la famille pour comprendre la raison d’échecs et montre ce qui va pour que tout aille mieux. » (G.Ausloos)
« Il intervient, tel un mécanicien, pour repérer la panne afin que le système poursuive sa course... » (Albernhe)
La relation thérapeutique ? Son fondement ?
Le thérapeute est donc un expert qui intervient sur un système, « une boîte noire » syntagmatique, métaphorique ou métonymique composée d’entrée et de sortie, qui peut nécessiter éventuellement une modification structurelle et que lui connaît seul : il choisit au fil des rétroactions (feed-back) dévaluation de la famille repérées. La solution n’est donc pas le système familial. Elle est montrée par le thérapeute qui en établit le pronostic et la prescription. Il s’est porté garant en matière de prescription, mais renvoie l'entière responsabilité aux familles qui montreraient alors une résistance rendant inopérante l’entretien psychologique. La relation est verticalement hiérarchisée.
Progressivement, ce cadre, bien que très fécond, n’en a pas moins montré étroitement ses limites.
Les diverses disciplines, Ylia Prigogine, physique et chimie, H. Maturana et F. Varela, cherchant la biologie, von Foester en cybernétique, mirent en évidence pour les thérapeutes familiaux la nécessité de distinguer les relations dans l’étude du processus global. C’est un processus interactionnel incarné : il émerge relève des changements culturels et sociaux, repérables nécessairement dans la mouvance d’événements importants de tous ordres, affectifs et cognitifs, lorsqu’il s’agit du vivant.
Puis il y eut la théorie des catastrophes de René Thom (travaux produits à partir de la théorie du chaos de E. Lorenz).
Quel a été leur apport à la systémie ?
La cybernétique conceptuelle
■ Maturana et Varela, biologistes, mirent en évidence le caractère d’autopoïèse de certains systèmes et de leurs éléments (famille auto-organisée et auto-entretenue), révélateurs d’un système dit allopoiétiques.
« Un système est dit autopoiétique, lorsqu’il est... cohérent, dynamique, ouvert à l’échange énergétique, communicatif, interactionnel avec l’extérieur, autoproducteur et créateur, mais avec des boucles internes court-circuité, c'est-à-dire sans entrée ni sortie... » Albernhe
Son unité se produit autour d’une clôture autopoïétique, conférant à la famille (vivante) une autonomie particulière dans son organisation et sa structure.
Le prolongement théorique des apports thérapeutiques s’impose donc : celui-ci consiste en la perception du système familial en tant que système autonome. Elle reste dotée de compétences pour régler la plupart des difficultés auxquelles elle est confrontée. Ce qui fait dire à Gausloos qu’une famille ne se pose que les questions auxquelles est capable de répondre !»
● Prigogine, physicien, concernant les systèmes hors d’état d’équilibre, a permis aux thérapeute de s’affranchir du cadre trop restrictif de la théorie des systèmes posé par Bertalanffy. Il a mis en évidence, dans ces systèmes, leur capacité au changement (notamment dans le processus qui suit la disparition de symptômes), c'est-à-dire du système familial qui est le lieu d'un paradoxe permanent, et constamment contraint de réguler ces perturbations, internes ou en provenance de son environnement.
Appliqués à la psychothérapie familiale systémique, ces concept dessinent la famille comme un système psychothérapeutique, dont le changement incessant au niveau de l’un d’eux se répercute sans cesse sur les autres. Chacun de ses membres est cependant lui-même concevable comme un système à part entière, qui, de ce point de vue, tente de maintenir stable sa propre organisation. Ses différents éléments, face à ces perturbations qu’ils ne peuvent pas ne pas s’infliger mutuellement parviennent ainsi de manière peu prévisible, à un autre éclairage de leurs difficultés. Ces modalités spécifiques ont une finalité précise.
● H. von Foerster, ingénier et mathématicien, à qui il est attribuée la paternité de la seconde cybernétique, a mis en évidences par ses travaux la nécessité de rendre compte des relations d’influence existant entre les systèmes qui s’observent –respectivement-, observateurs et observés (observation active) : l’observateur a donc bien entendu une responsabilité dans ses comportements pratico-théoriques; loin d'être dans une posture de neutralité, celui-ci exerce une influence sur les phénomènes qu'il appréhende.
De fait, le psychothérapeute devrait prendre conscience de son implication et de son influence lorsqu’il interagit avec une famille : les diverses figures et coordinations d’actions concernées suivent ainsi une spirale, ou dérive naturelle, largement imprédictible dans la mesure où les systèmes sont « entraînés », « conduits », qu’ils le veuillent ou non, à modifier leurs comportements, opérer des changements de leur structure qui se co-déterminent à travers des boucles rétroactives -boucles qu’on peut modéliser comme des moments d’une activité organisée, par lesquels un système vivant maintient stable son organisation en modifiant indéfiniment sa structure- afin de trouver un équilibre suffisamment viable et opérant face aux changements auxquels ils sont confrontés. Mais l’orientation montrée par cette dérive auto-organisationnelle reste cependant largement contingente aux intentions des uns et celles des autres.
Quelles en furent les conséquences, du point de vue:
d'un groupe suffisamment stable face au changement
Du changement et les techniques mis en oeuvre à partir d’un ensemble, même vide
Vue de famille.
Les clients sont perçus ou conçus comme un ensemble d’éléments dynamique, animé par les interactions intenses et complexes de ses membres, et qui sont confrontés à des crises reliées à son contexte évolutif (tant sur le plan socio-économique que sur le plan de la nature et celui de l’évolution d’interactions). Certaines d’entre elles peuvent être vécue comme problématiques.
Positions de thérapeutes ?
Le thérapeute en tant que membre d'une famille n’est plus un observateur extérieur à ce qui se produit : il doit se donner un modèle d’action, construit à partir d’une théorie de l’esprit, afin de faire face aux perturbations qui mettent le système en jeu, c'est-à-dire ont des effets déstabilisateurs sur sa structure. II doit se donner les moyens de trouver du sens, c'est-à-dire maintenir stables les parties composantes du système, sous la pression de ces changements incessants, internes ou externes, auxquels il ne peut pas ne pas se confronter, ou se soumettre.
Il n’est plus dans un « système global scindé » avec d’un côté le système thérapeutique et le système familial d’un autre et de l’autre le système thérapeutique : système familial et thérapeutique s’imbriquent en un système nouveau, c'est-à-dire pour la création de nouveautés réelles. Le thérapeute, dès lors, n’est pas l’unique possesseur du savoir : il le partage avec sa famille. Ses fonctions ne sont plus celles d’un réparateur, mais les fonctions nécessaires d’un facilitateur de communication en tant que système familial thérapeutique.
L’information est donc circularisée. Penser à l’école de Milano, et, bien sûr à Bateson : « L’information est une différence qui fait la différence... »
Fondements de thérapeutes ?
La mise en scène qu’ils génèrent en rapports à la famille sur le mode vertical de la hiérarchie : ils collaborent en familles (thérapie de collaboration). S.Minuchin avait écrit à ce sujet.
La confusion dont il est question, c’est celle selon laquelle le praticien révèle à la famille sa « capacité empathique », c'est-à-dire sa volonté, de s’approcher au plus près de la réalité émotionnelle et du fonctionnement habituel de chacun de ses membres, puis de partager avec chacun d’entre eux ce qu’il aura ressenti des émotions émergentes de cette contingence. La rupture avec la cybernétique du premier ordre semble pourtant bien mise en évidence : non seulement l’intervenant se propose en miroir émotif de l’autre, mais il s’autorise à montrer l’authenticité de leur être, en partageant ses émotions nées de cette expérience du vécu en train de se partager avec leur famille.
Loin de se découpler de ses émotions, qu’il resitue en équipe (de supervision et [ou] cothérapeute), il les dissocie également avec une famille.
● M.Elkin, par son concept de persistance, explique cette dynamique : les jugement et comportements du thérapeute interagissant en familles, lorsqu’ils sont utilisés dans ce qui se vit et se construit, peuvent aider à établir un certain niveau de fonctionnements tel que le positionnement de chacun des protagonistes, et les (dys)fonctionnements du milieu familial, a partir duquel est établie cette (re)communication, peuvent s’en trouver amplifiés, et même mieux analysés. Cette position, c’est une perception et définition toute autre de la notion d’observateur : l’information-action qui émerge des composants de la réalité du monde et de sa co-évolution constitue différents niveaux d’observation de la subjectivité (principe d’auto-référence élaborée à sa mise en œuvre par Elster).
De la première à la seconde cybernétique : la question de la thérapie des thérapeutes
Il s’agit de passer de l'approche mécaniciste de la machine à celle qui se voulait objective de la famille c'est-à-dire une modélisation nouvelle de la complexité et de la famille quant à ce qu’elle sait donc assez présomptueuse, et plus authentique en ce qui concerne le rôle des thérapeutes. Bien que le modèle de deuxième cybernétique demeure utilisé pour les premiers pas dans la thérapie - il est rassurant de se penser extérieur au système - , les praticiens-chercheurs insistent de plus en plus sur l’inévitable "présence" du thérapeute dans la thérapie. L’histoire personnelle, chassée au début de la systémique entre à nouveau, et sur le mode conversationnel : le parcours de vie des thérapeutes est un élément non-négligeable du processus. Ainsi réapparaît la question du travail thérapeutique personnel des intervenants.
P.-S.
LIVRES/BIBLIOGRAPHIE
ALBERNHE K. « Les thérapies familiales systémiques ». MASSON 1999.
AUSLOOS G. « La compétence des familles ». Coll. ERES. 1995.
BATESON G. « La nature et la pensée » Ed. POINTS SEUIL 1979.
GROS F., JACOB F. et ROYER P. « Sciences de la vie et société » DOCUMENTATION FRANCAISE 1979.
MATURANA H. et FRANCISCO V. «The tree of knowledge » Revised edition Shambala 1998 Boston & London.
SZAC M. et DUVIVIER J.-E. « Le feuilleton d'Hermès » BAYARD JEUNESSE.
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